Les belles promesses du coaching-plaisir (Partie 1 sur 2)
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Au cours de deux articles passés[1], nous avions parlé d’un type de coaching aussi séduisant dans l’approche que vain dans les effets. Convenons-en, pour mieux décrier cette pratique nous avions eu la faiblesse d’employer une dénomination péjorative, puisque nous l’avions appelé « coaching Bisounours ». Comme nous l'affirmions alors, non, le coaching Bisounours ne peut pas marcher ! L’accès à la réalité exige travail et remises en cause. La réalité ne saurait être offerte en cadeau à l’individu qui vient vers elle avec des principes bien trop simples et optimistes pour ne pas être douteux.

C'est que la vie est subtile, immensément subtile. Elle demande un effort d'adaptation continu qui oblige à agir sur l'intimité de l'être. Dans le rapport que l’on entretient avec soi-même, et qui mène à la construction de l’équilibre à la fois spirituel, intellectuel, psychique, émotionnel et physique, il y a déjà tant à faire… Et dans le rapport à l’autre c’est encore plus compliqué, d’une part parce que l’autre est nécessairement un inconnu, imprévisible mais aussi et surtout différent[2], d’autre part parce que pour s’inscrire dans une relation à l’autre profitable et pour l'un, et pour l'autre, il faut au préalable s'être investi significativement dans le rapport à soi.

Enfin, n’oublions pas le rapport à D.ieu, même si la tendance générale, dans un élan de moins en moins maîtrisable, pousse à considérer notre monde à la fois comme le début et la fin, comme la cause et l'effet, comme une sorte de laboratoire librement accessible où chacun peut expérimenter toutes les folies qui lui traversent l’esprit. Beaucoup ont fait de la Torah une légende et de la croyance en D.ieu, une orientation personnelle possible, guère davantage, sorte de choix laissé à l'individu en vertu d'une soi-disant liberté de penser[3].

Oui, dans cette mode nouvelle et inquiétante qui, peut-être pour se racheter à ses propres yeux, prône par ailleurs un humanisme sans condition et surtout sans réflexion, le rapport à D.ieu devient telle une planche de salut au beau milieu de la tempête[4]. Une nouvelle religion est en train de naître, lentement mais sûrement. Son dogme vise à tout uniformiser, à gommer la différence[5], à rabrouer l'originalité au profit d'une norme ennuyeuse et inconsistante.

La vie est immensément subtile, écrivions-nous. Eh bien, c’est peut-être justement pour économiser l’effort découlant de la rencontre avec une réalité sophistiquée[6], que l'on tient tellement à uniformiser les êtres et les concepts. Plus de différence, donc plus de réflexion quant à la gestion de la différence. Un comportement uniforme pour coller au mieux, et sans effort, à une réalité uniforme elle aussi.

C’est dans ce contexte très contemporain que s’enracine ce que nous appellerons non plus le « coaching Bisounours » mais le coaching-plaisir. Une offre taillée pour le succès, puisque la demande exige l'expérience du plaisir sans les efforts pour le construire. Une demande qui va très loin, nous voulons dire, qui peut vite confiner à l’absurde. Comme si les gens clamaient : « On veut être heureux, peu importe la manière, peu importe si ce bonheur est vrai et nous grandit, pourvu que l’on n’y goûte ! ». Une illusion de bonheur[7], c'est rude mais c'est ainsi, voici ce que la plupart désirent.

Et qu'il est si facile d'apporter de l’espoir à qui en rêve !

Présenter une réalité alternative séduisante, faire déjà miroiter la sérénité tant convoitée en proposant d’adhérer à tel ou tel message positif, ne demande au fond qu'une chose : avoir compris ce que l’autre a besoin d’entendre. Ce préalable assuré, le coaching-plaisir ne fera que des heureux, ses adulateurs en tête ! Avant que la réalité, authentique cette fois, ne vienne un jour ou l'autre réveiller de manière fort désagréable une conscience alors abasourdie.

Ci-après, voici un exemple de coaching-plaisir. Comme tous les messages de ce type, on n’y trouvera qu’une promesse de soulagement à bien peu de frais. De logique sérieuse, il n'en est pas question. Et il faudrait encore se demander si, à la limite il y aurait même là une quelconque éthique. Est-ce moral de laisser le premier venu croire que des messages aussi creux et infondés peuvent assainir des pans entier de son existence ? Nous laissons au lecteur le soin d’apprécier cette question. Pour l’heure, consacrons-nous à notre exemple.

Savez-vous où vont les mots que l’on ne dit pas ?

Ce qu’on ne dit pas s’accumule dans notre corps et se transforme. Les mots que l’on ne dit pas se transforment en frustration, en tristesse, en insomnie, en douleur et en un manque de satisfaction. Ce qu’on ne dit pas ne meurt pas, mais nous tue.

C’est à rester muet d’incrédulité, n'est-ce pas ?

À bien analyser le champ lexical de cette citation, son auteur pourrait très bien cumuler les bagages d'un biologiste, d'un psychologue et d'un philosophe, avec une connaissance approfondie des leviers psychosomatiques. Tout cela pour un vulgaire mensonge ? En tout cas, c'est ce que nous écririons si, de nouveau, nous avions la faiblesse d’employer une dénomination péjorative. Mais nous y renonçons pour cette fois. Nous traiterons plutôt cette citation avec le plus grand sérieux, dès la prochaine partie de cet article.

Notes

[1]  Voici les liens vers les première et deuxième parties.

[2]  Nous parlions d'un effort d'adaptation continu, en voici une illustration.

[3]  Dont le nom est largement surfait. La liberté de pensée telle qu'intellectuels et médias la définissent aujourd'hui revient, en fait, à un appauvrissement de la pensée qui mène l'individu à suivre le groupe presque par accident, et finalement à ne plus rien penser du tout.

[4]  Comme les Sages d'Israël l'ont dévoilé depuis de nombreux siècles, à la fin des temps l'épreuve majeure concernera la foi. Il semblerait que nous y voilà.

[5]  Elle qui est pourtant la condition sine qua non de l’existence !

[6]  Cet adjectif est ici utilisé de manière neutre. À chacun de décider si la sophistication doit devenir motivante ou décourageante…

[7]  Nous pesons bien nos mots.

L'auteur, David Benkoel

Analyste, j'aide des personnes passant par diverses difficultés psycho-émotionnelles à se reconstruire.
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