Parfois, face à une difficulté, la question qui se pose n'est pas de savoir si une solution existe, mais si on serait prêt à l'accepter une solution qui existe.
Cette question se pose plus souvent qu'on ne le croit. En fait, elle est aussi fréquente que ces problèmes qui durent. Ces problèmes qui durent tellement que l'on peut se demander si la personne qui en souffre ne serait pas devenue son propre bourreau, en faisant justement en sorte que le problème dure.
Mais qui serait assez fou pour agir de la sorte ? Quel serait l'intérêt ? En analyse, on préfère la question : « quel serait le profit ? », du fait qu'à part les personnes hélas malades mentalement, l'homme ne fait rien sans s'être projeté au préalable. Dit autrement, les actes ont un but car ils ont une intention réelle, qui les porte, de l'idée à la réalisation. Une intention parfaitement calculée, même si celle-ci peut dérouter une tierce personne qui en serait le témoin, puisque ce témoin reste étranger à une logique entièrement subjective.
Aussi revenons à ces personnes qui entretiennent leurs problèmes, le plus souvent inconsciemment. Leur « profit » est donc… d'avoir des problèmes. En quoi est-ce un profit ? Quand une personne se définit par son rapport à l'échec, cela lui donne une fonction, une place. Une place peu enviable il est vrai, mais une place tout de même. Ce peut être la place de celui qui est à plaindre car la vie n'a pas été tendre avec lui. Ce peut être également la place de celui qui se met en scène dans un scénario délirant, par lequel il exprime à ceux qui l'ont étouffé jadis (même s'ils ne sont pas là pour le voir), le résultat de leur cruauté passée. Cela ressemble à un panneau indicateur sur lequel il serait écrit : « Voilà ce que vous avez fait ». Une dédicace posthume étrange, dérangeante, effrayante.
Nous comprenons à présent pourquoi il n'est pas exagéré de se demander si on serait vraiment prêt à accepter une solution qui existe. Peut-être préférerait-on considérer celle-ci sans vraiment la voir ; peut-être préférerait-on la refuser en bloc.
La Torah évoque ces réactions que l'homme devant les solutions que la vie lui propose. Ou plutôt, que D.ieu lui propose. Car si on accepte de voir le monde comme une demeure gigantesque, le Maître de maison (Pirqei Avoth 2,15) en est incontestablement D.ieu ; quant à nous, les hommes, nous sommes en quelque sorte Ses invités. Or quand l'hôte demande à son invité de franchir une porte de sa demeure, accepter est bien la moindre des politesse !
Le début du livre de Chemoth raconte l'asservissement graduel des enfants d'Israël par les Égyptiens. D.ieu fait tacitement de Phar'o, roi d'Égypte, le responsable de l'esclavage auquel Il soumet Son peuple. Mais dans la Parachath Vaéra, l'issue au problème apparaît soudain. La « porte » que D.ieu présente donc aux enfants d'Israël et à toute l’Égypte, c’est la porte de la délivrance. Qui va croire en sa réalité ? Qui franchira cette porte, qui passera cette étape existentielle que D.ieu propose aux oppresseurs (à qui D.ieu offre de laisser partir ceux qu'hier encore ils accablaient) et aux opprimés (à qui D.ieu offre d'accepter une liberté à laquelle ils ont peut-être cessé de croire) ?
Nous observons trois comportements distincts, qui sont autant de leçons pour nous.
Toutes les portes que D.ieu envoie sont des solutions à nos états, qui promettent (et permettent) le passage à un état supérieur. À ce titre, elles doivent être considérées avec foi et, autant que faire se peut, avec cette foi naïve de l’enfant mêlée à cette lucidité de l’adulte.