Genré, non genré et autres : au fond, quel est le débat ?
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Ces mots, genré, non genré, transgenre, cisgenre, non-binaire, sont devenus courants dans le paysage médiatique, dans le monde politique, dans les cours d'école et jusque dans nos foyers. Le phénomène, pour nouveau qu'il est, n'en reste pas moins répandu. Au point qu’il semblerait a priori parfaitement inutile de préciser la notion que ces mots, et autres du même genre[1], véhiculent.

Présentons-la tout de même, cette notion. Au-delà des mots eux-mêmes, au-delà du fait de société qu'ils laissent entrevoir, lequel trahit un bouleversement qui va très au-delà d'un banal effet de mode, il est question d'un droit individuel. Mais d'un droit paradoxal.

Pourquoi paradoxal ?

Parce que de manière générale, quand on parle d'avoir le droit de faire, de dire, de penser, on s'inscrit implicitement dans un schéma logique, attendu, presque obligé. Un droit met souvent en évidence une autorisation légitime, une exigence nécessaire[2]. Et justement, dans le cas présent nous n'avons pas affaire à cela.

Car au fond, quel est le débat ?

Il s'agit de choisir sans contrainte son propre sexe ou, pour être plus précis, de redéfinir les modalités de relation au corps de l'autre et à son propre corps[3]. Un tel choix est tout, sauf anodin. En fait, il est quasiment incalculable en ce qu'il remet en cause la notion même de « couple », très littéralement, c'est-à-dire le caractère harmonieux, naturel, bon, complémentaire, constructif, viable de deux entités réunies en une seule.

Tel est bien le débat, avec la conséquence potentielle majeure qu'il prépare : abolir ce qui différencie le masculin du féminin depuis que le monde est monde.

Et ce droit en particulier, ne traduit en l'occurrence nullement une autorisation légitime ou une exigence nécessaire, pour reprendre ces mots. Ce droit de choisir son propre genre, celui d'autrui, et le genre de l'entité créée par assemblage de ce moi et de cet autre redéfinis, ce droit donc doit être absolument libre. Absolument, puisqu'il se moque de l’opposition, de la morale, serait-ce du simple bon sens. Ce droit ne les tolère pas, et les invitera volontiers à débattre… pour mieux les balayer. Avec force. Avec agressivité. Sans raison apparente sinon celle, suprême, que ce droit confère soi-disant par le seul fait de se revendiquer.

Voici donc, en quelques mots, ce dont il est question.

Résumons davantage encore. La revendication à laquelle nous avons affaire parle d’abolir la différence. Ni plus, ni moins. Et pas de n'importe quelle différence, notons-le. Ce n'est pas une différence qui se limite à une simple nuance, mais la différence fondamentale entre deux opposés qui, une fois rassemblés, créent l'unité avec sens, telle une évidence. Nous parlons des caractères masculin et féminin dans leur acceptation la plus universelle. Forts de cette revendication, ses adeptes demanderont par exemple, sous une forme faussement interrogative :

En quoi une femme ou un homme devraient porter des vêtements traditionnellement considérés comme féminins ou comme masculins ?
En quoi un homme serait-il contraint d’adopter des habitudes traditionnellement considérées comme masculines, et inversement pour une femme ?
Au nom de quel principe obscur le nom de « couple », ou l’adjectif « marital », ne s’appliqueraient pas à une union entre deux femmes, entre deux hommes, et pourquoi pas entre un homme aspirant profondément à incarner une femme et une femme habitée par une virilité toute masculine ?
Au nom de quoi interdirait-on à une femme de devenir un homme, dans ses attributs physiques, son mode de pensée, son rôle socio-familial ?
En vertu[4] de quel principe une femme ne pourrait pas éduquer ses enfants en tant que père, et inversement pour un homme ?

Derrière l’attitude, se cache un fondement pouvant être abordé sous plusieurs angles. Nous devons en choisir un seul, par souci de simplicité.

Un monde viable est essentiellement un monde varié. La nuance, la différence, la contradiction, est ce qui suscite le mouvement de la vie. D’un autre côté, si la distinction est la condition, l’unité est la finalité. Prenons l’exemple du couple, parce qu’il est pleinement parlant sans être isolé. La finalité d’un homme et d’une femme, seuls depuis toujours, est l’union[5]. Et si un tel dessein est spontanément concevable c’est parce que, tout au long de l’évolution du couple, le principe de cette évolution demeurera la différence. Différence au sens large, comprenons-le, et pas seulement au sens du genre.

À ce titre, unifier les nuances, ce qui est l’apanage des adeptes du genré, du non genré, du transgenre, du cisgenre, du non-binaire et autres, peut sembler louable. Puisque l’unité est le but, eh bien unifions ! Unifions au point d’abolir la condition même de l'unité : la différence. Unifions et, sans même se soucier de penser vrai, de penser tout court, ruinons le projet pour lequel nous militons avec tant de passion, car alors nous rendons le principe d’unité démodé, vide de sens, inutile ! Avec une exaltation manifeste, mais si peu de raison.

Tel qu’il a été créé, notre monde, pour être, oui, tout bonnement être, réclame deux exigences. D’une part, incorporer la dissemblance et la variété. D’autre part, tenter d’atténuer les nuances par le fait de les rapprocher, ou plutôt, et là réside la notion clé, en créant une voie médiane. Une voie bonne pour ce qui s'inscrit dans telle nuance ou dans telle autre, mais sans annihiler les réalités respectives des deux prises individuellement.

Unir n’est ni avaler, ni annihiler, ni anéantir. Unir est avant tout conjuguer. C'est à cette impossibilité majeure que se heurte le débat des genres.

Notes

[1]  Le jeu de mots était facile ! Cette pointe d'humour aura en tous cas l'avantage d'aiguiser l'esprit et le rendre plus disposé à aborder un sujet grave.

[2]  Toute règle comporte des exceptions. L'une des plus emblématiques est le célèbre slogan « Il est interdit d'interdire ». Ce slogan revendique en effet un droit, du moins à ce qu'il paraît. Seulement, ce droit annihile par essence l'idée même du droit, lequel est supposé apporter une direction, une spécificité, si ce n'est une identité. Le droit permet d'orienter, de préciser. Or, prôner le droit de refuser l'interdiction c'est déjà basculer dans le flou, pour ne pas dire dans le chaos.

[3]  C'est pourquoi nous parlions dans une note précédente de « sujet grave ». S'il ne touchait qu'à la sphère du physique, ce suffirait déjà à le qualifier de la sorte. En prime, il bouleverse les représentations du monde en général, les représentations de soi dans le monde en particulier, sans parler des relations interpersonnelles dans leur ensemble. Et que dire des impacts spirituels ?

[4]  Le terme a évidemment été choisi avec cynisme.

[5]  Allusion en est faite dans Tehilim 68,7.

L'auteur, David Benkoel

Analyste, j'aide des personnes passant par diverses difficultés psycho-émotionnelles à se reconstruire.
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